Nous allons étudier la base des relations entre la vigne et l’eau et explorer pourquoi la disponibilité en eau est essentielle pour la vigne et les effets, positifs comme négatifs, du déficit hydrique sur la vigne et son fruit. Les vignes consomment une grande quantité d’eau. Mais seule une petite quantité est utilisée par la plante pour sa croissance et sa photosynthèse. Le reste de l’eau quitte la plante pour rejoindre l’atmosphère, un mécanisme appelé la transpiration. Une vigne peut transpirer 50 litres d’eau en une journée, et de 5 000 à 7 000 litres en une saison de végétation.
Pourquoi la vigne semble-t-elle gaspiller autant d’eau ?
La vigne a besoin d’absorber du dioxyde de carbone. Elle utilise pour ce faire de petits pores situés sous ses feuilles, les stomates. Quand les stomates sont ouverts, le dioxyde de carbone pénètre alors et permet de produire du sucre lors de la photosynthèse. La photosynthèse et ce sucre sont indispensables à la survie et au rendement de la vigne. Cependant, l’eau s’échappe également par les stomates ouverts, et a lieu un échange entre l’eau et le carbone. Le dioxyde de carbone pénètre, et l’eau ressort. Comme leur gradient de concentration n’est pas le même, la plante perd beaucoup d’eau pour absorber peu de carbone, des milliers de molécules d’eau par molécule de dioxyde de carbone. C’est pour cela que la vigne consomme autant d’eau. Ces stomates doivent être ouverts pour assimiler le carbone et que la vigne puisse donner. Mais l’ouverture des stomates entraîne la transpiration d’une grande quantité d’eau. Le moteur de la transpiration est le gradient de concentration de l’eau entre les feuilles et l’atmosphère. L’atmosphère crée une traction ou une tension. Et comme l’eau a une grande capacité de cohésion, donc ses composants restent solidaires grâce à des liaisons chimiques, elle est attirée en une seule colonne, depuis le sol, dans les racines, à l’intérieur de la plante, dans les feuilles, puis des stomates, pour rejoindre l’atmosphère. La théorie concernant le transport de l’eau dans la plante s’appelle donc la cohésion-tension.
D’où vient cette eau ?
L’eau que transpire la vigne vient, bien sûr, du sol. Plus précisément, l’eau se trouve dans de petits pores du sol, pour lesquels elle a une affinité qui dépend de leur taille. Plus le pore est petit, plus le sol retiendra l’eau. Ainsi, quand la plante transpire cette eau, elle est d’abord tirée des pores les plus grands, car ce sont ceux qui retiennent le moins l’eau. Quand le sol sèche, l’eau est puisée dans des pores de plus en plus petits. Il devient donc plus difficile de prélever de l’eau dans le sol. L’atmosphère exerce une traction, et le sol retient l’eau, ce qui crée une tension. Quand le sol sèche, il retient de plus en plus l’eau, et la tension augmente. Cette tension accrue s’appelle le stress hydrique. Cette tension sert à déterminer le potentiel hydrique d’une plante, généralement en utilisant une chambre à pression.
Les différents types de sols
Chaque type de sol a sa propre structure, notamment une distribution et des tailles de pores différentes. Ces différences entraînent différentes capacités de rétention et des différences dans la manière dont le sol sèche. Ces variations participent aux différences de comportement des vignes poussant sur différents sols. Par exemple, un sol sableux a des pores bien plus grands qu’un sol argileux, sa capacité de rétention est donc plus faible, et il sèchera plus vite.
Quels sont les effets du déficit hydrique sur la vigne ?
Un des premiers signes de stress hydrique est une croissance ralentie. Les vignes subissant un stress poussent moins vite, le stress hydrique réduit donc la vigueur de la vigne. Quand le niveau de stress augmente, les stomates vont se refermer, pour ne pas perdre trop d’eau en transpirant. Cela aura un impact négatif sur la photosynthèse et l’assimilation du carbone. À des niveaux de stress plus élevés, la tension devient telle qu’elle perturbe la cohésion de la colonne d’eau, ce qui entraîne des embolies. Ce sont littéralement des bulles de gaz qui empêchent la circulation de l’eau. Elles peuvent entraîner la mort des feuilles, des dégâts à long terme, voire la mort de la plante.
Quels sont les effets du stress hydrique sur le fruit ?
De la même manière, le stress hydrique limite la croissance des baies, ce qui donne des baies plus petites et un rendement plus faible. Il peut aussi réduire le rendement en réduisant le nombre de baies par grappe, voire en affectant la fertilité des bourgeons qui produiront des fruits la saison suivante. Toutefois, les viticulteurs appliquent souvent un stress hydrique afin d’améliorer la qualité du fruit et donc, du vin. Il permet d’avoir des fruits de meilleure qualité pour deux raisons, qui ne sont pas incompatibles. Tout d’abord, le stress hydrique donne des baies plus petites, dont le ratio entre la peau et le volume est plus élevé, notamment pour les raisins noirs. De nombreuses molécules essentielles à la qualité du vin, comme des composés phénoliques ou volatiles, se trouvent dans la peau. Donc, un ratio entre la peau et le volume plus élevé donne une concentration plus élevée de ces molécules. Des recherches ont cependant montré que cela n’explique pas tout. Le stress hydrique a aussi un effet direct sur le métabolisme. Il peut influencer la production de certains composés du fruit. Par exemple, on sait depuis longtemps qu’un déficit hydrique augmente la biosynthèse de la molécule donnant sa couleur au raisin noir, l’anthocyanine. Il ne faut pas oublier que si le déficit hydrique est trop important, il peut nuire à la maturation. Un excès d’eau peut aussi nuire à la vigne. De l’eau stagnante dans le vignoble a un effet négatif sur la croissance mais à cause d’un mécanisme différent du déficit hydrique. Pour l’éviter, les viticulteurs installent un système de drainage ou choisissent des porte-greffes résistants à l’engorgement. Pour conclure, bien qu’un déficit hydrique puisse avoir un impact négatif sur la croissance de la vigne, les viticulteurs l’utilisent pour améliorer la qualité du fruit et du vin. La gestion de l’irrigation est donc essentielle dans les plus grandes régions productrices de vin.